Le passage de l’Acheneau

Un enjeu économique et historique

Un ouvrage stratégique

L’Acheneau a toujours joué un rôle primordial dans la vie économique, historique et géographique à Port-Saint-Père. Importante voie de circulation entre la Loire et le Lac de Grandlieu, elle constituait, avec le Tenu, un moyen de communication avec le Marais Breton et la Baie du sel. L’importance stratégique du passage fut très certainement à l’origine du premier bourg.

Le radier

C’est au moment de la conquête romaine que l’Acheneau pose le premier problème de pénétration vers l’ouest. A cette époque deux voies permettaient de relier Nantes à la mer, l’une au nord par le passage de Vue, l’autre plus au sud par le passage de Saint-Pierre (Portus Sancti Pétri). Le faible écartement des rives à cet endroit privilégia toujours ce franchissement. Cependant, les Gallo-romains ne construisirent jamais de pont à proprement parler, en raison du manque de consistance du sol et des différences de régime des eaux selon les saisons. Leur technique consistait à noyer un radier (charpente autorisant la traversée des piétons et des charrettes) de 5 mètres de largeur. Au moyen-Age, le passage s’effectue sur une chaussée de pierre, reprenant le principe du radier. Des passées ou écluses étaient aménagées pour l’écoulement de l’eau et on les franchissait sur des passerelles en bois. Le cours de la rivière lui-même était laissé libre à la navigation et se franchissait par un bac tiré par des câbles. La traversée était peu confortable et surtout dangereuse, car le radier ou la chaussée de pierre étaient immergées et le cours de l’Acheneau encombré par le passage des bateaux.

Le bac à péage jusqu’à la fin du 18e s.

Vers le 14e siècle, le passage de l’Acheneau se faisait par un bac dont le péage revenait au seigneur de la Tour. Le bac était tout aussi dangereux que le radier, et on relève dans les registres paroissiaux de nombreux morts dans des accidents, causés par des crues ou des erreurs de manœuvre. Cependant, il n’était pas question de supprimer ce moyen de traversée, car Port-Saint-Père était l’un des rares endroits propices à la traversée de l’Acheneau. Pour l’anecdote, l’histoire relate qu’en 1622, la sœur du roi de France traversa Port-Saint-Père pour « aller voir la mer ».
Pendant la période révolutionnaire, ce passage fort prisé fut à la fois le motif de violents affrontements entre les troupes républicaines et royalistes mais aussi l’une des causes de la quasi destruction du bourg qui ne comptait plus en 1793 que trois maisons encore debout.

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Le pont du 19e s.

Le 16 janvier 1818, Aristide Locquet de Granville devient Maire, c’est lui qui proposa la construction d’un pont. Un nouveau lit fut creusé, créant un nouvel alignement de la rive du côté de Saint-Léger. L’ordonnance de Charles X du 17 juillet 1828 ordonna la construction d’un pont de pierre à l’emplacement de l’ancien bac et de deux levées à ses abords. L’adjudicataire fut bien entendu Aristide de Granville qui remboursa sa dépense au moyen du droit de péage dont il reçut la concession. Le péage devient rapidement une charge écrasante pour les utilisateurs et surtout pour ceux demeurant du côté de Nantes. A l’époque, les déplacements d’une rive à l’autre sont plus courants. L’école, le marché, le médecin se trouvant de l’autre côté, les enfants n’allaient pas à l’école, les journaliers étaient pénalisés, le médecin venait moins.
Sous les différentes pressions, le 21 janvier 1849, le conseil municipal, sous la présidence de M. Ménard, maire de Port-Saint-Père demande le rachat du péage par le Département, sans succès jusqu’en 1879, date à laquelle le conseil général décida le rachat de tous les ponts à péage du département. Après 49 ans de discussions, les usagers purent enfin passer librement sur le pont de pierre.

La passerelle métallique

Le pont était plus étroit que l’ancien passage de la rivière, le nouveau lit ayant été rétréci. Pour faciliter l’écoulement des eaux en hiver et au printemps, il a fallu construire une passerelle métallique en 1890, permettant ainsi à l’Acheneau d’emprunter de temps en temps son ancien lit. Et le pont vit alors passer les premières automobiles à pétrole.
La fin de la dernière guerre faillit être fatale au pont. Les occupants sentant leur retraite prochaine avaient tout préparé pour que l’ouvrage saute. Mais la poche de Saint-Nazaire se referma, et ils n’en eurent pas le temps.

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Ph. Hidrot

Sources :
Jean-François Caraës Regards Historiques sur Port-Saint-Père
Alice Averty : Dossier patrimoine : Port-Saint-Père